par BRUNO MATEI » 13 Avril 2012, 06:27
1979 est une année charnière dans le paysage de la science-fiction rubigineuse dans lequel un réalisateur novateur va réinterpréter avec souci de perfectionnisme l'icône du monstre mythologique. Influencé par La Planète des Vampires de Bava, Dark Star de Carpenter et inspiré du Ixtl (la créature du roman la Faune de l'espace de A.E Van Vogt), Alien est l'étendard du film d'anticipation affilié à l'épouvante organique. Succès critique et public lors de sa sortie en salles, ce chef-d'oeuvre immuable est le pionnier d'une illustre saga dont l'ambition formelle et narrative restent les qualités les plus inhérentes.
A bord du Nostromo, une équipe de 7 astronautes sont sur le point de regagner la Terre mais leur ordinateur de bord reçoit un signal inquiétant les incitant à se poser sur une planète hostile. Dépêchés sur les lieux, l'un des équipiers se fait agresser par une forme organique d'origine inconnue. Cette créature plaquée sur le visage de l'officier Kane est ramenée à l'intérieur du vaisseau mère sous l'autorité de l'officier Ash, et contre l'avis du lieutenant Ellen. L. Ripley. L'étranger indocile se libère de sa proie pour s'occulter dans les couloirs du Nostromo. C'est le début d'une implacable traque sanglante entre nos passagers persécutés par une menace reproductive.
Dans l'espace, personne ne vous entend crier, dixit l'accroche publicitaire et Ridley Scott souhaite s'engager dans la voie clairsemée de l'anticipation horrifique par l'entremise d'une créature iconique. Avec un budget de 11 millions de dollars, le réalisateur fignole une armada de décors baroques sous l'effigie ambitieuse de Michael Seymour. Souci du détail et aspect documentaire sont les maîtres mots d'un metteur en scène motivé à retranscrire avec force et vérité un univers ombrageux sous l'architecture métallique d'une planète crépusculaire. Son pouvoir de fascination cafardeux est surtout agencé à son environnement anxiogène et l'aspect hybride d'un métamorphe reproductif. Un monstre particulièrement mesquin et pernicieux qui n'aura de cesse de traquer un à un les membres d'un équipage à bout de course, en s'éclipsant sous les conduits du Nostromo. Angoisse palpable et sentiment d'impuissance sont extériorisés par le désarroi de nos protagonistes, démotivés par la facilité à laquelle une menace invisible s'emploie de façon virulente à les pourchasser sans relâche. Avec la dextérité d'une mise en scène entièrement alloué à l'évocation de la suggestion, ce cauchemar insidieux utilise cet alibi pour mieux décupler son sentiment d'inquiétude dans les vastes recoins d'un gigantesque vaisseau, dédale de toutes les peurs.
Et à contrario des épisodes ultérieurs, Alien se révèle un modèle d'intelligence dans sa capacité adroite à souligner l'inquiétude et la peur par l'entremise du non-dit. Moins la créature est explicitement exhibée et plus la menace se révèle tangible et grandissante du fait de sa présence latente imperceptible. Les incroyables effets-spéciaux et le design "biomécanique" de la créature élaboré par H.R Giger doivent beaucoup au caractère fascinant et singulier de l'entreprise. L'originalité est donc privilégiée par l'aspect physionomique d'un mutant hétéroclite (pourtant peu présent à l'écran !) et du décor sporadique d'une galaxie lointaine. Outre la partition classique de Jerry Goldsmith, le bourdonnement récursif d'un son monocorde va venir scander l'appréhension d'une ambiance feutrée, en interne de l'embarcation spatiale hantée par un dragon protéiforme.
Jalonné de séquences anthologiques toujours aussi impressionnantes (l'humanoïde destitué de ses fonctions mécaniques ou encore l'alien s'extirpant de l'estomac de John Hurt, séquence encore plus incisif en mode Blu-Ray !), Alien envoûte sans effet de fioriture ni esbroufe ostentatoire. Ce chef-d'oeuvre inégalé atteint une efficience maximale dans la rigueur d'un univers authentiquement crédible par sa mise en scène épurée et l'interprétation frugale d'interprètes susceptibles. Alors que Sigourney Weaver, en survivante pugnace, va imposer son statut d'héroïne inflexible.
