ABATTOIR 5
Titre Original: Slaughterhouse Five
Réalisateur: Georges Roy Hill.
Année: 1972.
Origine: U.S.A.
Durée: 1h43.
Distribution: Michael Sacks, Ron Leibman, Eugene Roche, Sharon Gans, Valérie Perrine, Holly Near, Perry King.
FILMOGRAPHIE: George Roy Hill est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 20 Décembre 1921, mort le 27 décembre 2002 à New-York.
1962: L'Ecole des jeunes mariés, 1963: Le Tumulte, 1964: 2 copines... Un séducteur, 1966: Hawaii, 1967: Millie, 1969: Butch Cassidy et le Kid, 1972: Abattoir 5, 1973: l'Arnaque, 1974: La Kermesse des Aigles, 1977: La Castagne, 1979: I love you, je t'aime, 1982: Le Monde selon Garp, 1983: La Petite fille au Tambour, 1988: Funny Farm.
"Pour devenir un adulte et apprendre à survivre à l'existence, il faut redevenir un enfant".
C'est grâce à l'immense succès remporté par son western moderne Butch Cassidy et le Kid (1969) que Georges Roy Hill va trouver l'argent nécessaire afin de transposer à l'écran le célèbre roman de Kurt Vonnegit Jr, Abattoir 5 ou la croisade des enfants. Un récit écrit de façon insolite mais en grande partie autobiographique puisqu'il illustre l'expérience éprouvante vécue par l'écrivain dans l'Allemagne de la seconde guerre mondiale. En effet, il fut capturé par les nazis dans les Ardennes afin d'être recruté à Dresde pour inhumer les cadavres après un bombardement de la ville par les Alliés en février 1945 (25 000 à 40 000 morts auraient été pronostiqués selon différentes études d'historiens).
Billy Pilgrim est un ancien combattant américain ayant vécu les horreurs de la seconde guerre mondiale dans la région de Dresde en Allemagne. Cette homme taciturne possède la faculté de voyager dans le temps sans pouvoir contrôler ses allers retours entre présent, passé et futur et sans connaître la raison inexpliquée de son don.
Réquisitoire contre l'absurdité de la guerre imbriqué dans des éléments couillus de comédie satirique et de science-fiction spéculative consolidée sur le sens de l'existence, Abattoir 5 est un ovni atypique ne ressemblant à aucun autre métrage doué d'ambition insolite. Audace narrative et originalité singulière s'y juxtaposent abondamment dans une mise en scène assidue totalement impliquée.
Dans une chronologie destructurée, nous suivons le parcours chaotique de Billy Pilgrim, père de famille revenu d'entre les morts après son expérience éprouvante au camp de Dresde, en Allemagne, où un bombardement aura fait plusieurs milliers de morts. Après être rentré au pays dans son cocon familial superficiel parmi sa femme bedonnante et ses 2 enfants prospères, Billy peut subitement se retrouver à n'importe quel moment de son existence dans des épisodes vécus, entre présent, passé et futur. Et cela sans qu'il puisse pouvoir maîtriser ses va et vient incessants d'un voyage temporel anarchique.
A travers une narration déroutante qui ne cesse d'associer des évènements dramatiques, futiles, burlesques ou merveilleux, l'itinéraire métaphorique de Billy Pilgrim semble être une fuite et une hantise à travers le temps afin de mieux subir toute la tare de l'horreur délivrée. Entre ces mauvais souvenirs d'un génocide immoral et des moments idylliques sur la planète isolée de Tralfamadore. Soldat naïf, maladroit et candide ignorant l'influence du mal chez l'être humain orgueilleux, avide de pouvoir et de cupidité, son don surnaturel ne serait peut-être qu'une allégorie, un voyage fantasmagorique à travers un psyché persécuté d'images saisissantes. L'innocence élégiaque d'un homme prude agissant instinctivement comme la pudeur d'un enfant devant la folie putanesque de la guerre engendrant inlassablement des génocides de grande envergure (ici le massacre de Dresde).
Georges Roy Hill dépeint avec une sobre subtilité et un sens de suggestion éludé de violence permissive (ou si peu), le trauma de la guerre et son absurdité indécente mais aussi le retour difficile au pays de ces vétérans ayant connu des épisodes tragiquement éprouvants, voir traumatisants.
Après la fin de la guerre, Billy, revenu parmi les vivants, se retrouve dépressif, esseulé, faussement délaissé d'une femme aimante incapable de tenir ses promesses dérisoires d'amaigrissement pour son embonpoint excessif et d'un fils fier de connaître le sentiment d'un héroïsme patriotique en revenant de la guerre du Vietnam. C'est vers son animal de compagnie, Post, chien ignorant et solitaire, tout aussi candide que son maître qu'il trouvera finalement une tendresse affectueuse pour se détacher de la folie des hommes et d'un monde destructeur.
C'est sur Tralfamadore que Billy réussit l'entreprise de s'y réfugier en compagnie d'une jeune star porno et c'est avec l'amabilité d'êtres invisibles surveillants ces faits et geste à travers un igloo de cristal qu'il va apprendre le sens de sa propre vie. Que le monde est une collection de moments se succédant dans un merveilleux hasard et que pour survivre, il faut savoir se concentrer sur les bons moments afin d'ignorer les mauvais.
C'est ce que réussit finalement notre héros perdu au milieu de nulle part (est-il devenu fou ?) mais rassuré d'avoir trouvé la théorie de son épanouissement (voyage t-il réellement dans le temps ou toute cette farce corrosive n'était-elle que le reflet d'une imagination extériorisée ?)
BALADE CELESTE AVEC LE TEMPS.
Epuré d'une délicate partition musicale classique toute en poésie, Abattoir 5 est l'une des grandes réussites inclassables des années 70. Il doit sa réussite à l'interprétation limpide d'innocence infantile allouée envers l'excellent Michael Sacks et d'une structure narrative désarçonnante et déroutante autant que poignante et délirante. Mais c'est surtout sa réflexion sempiternelle sur le sens de l'existence qui tend à culminer une oeuvre formelle d'une grande intelligence et d'une richesse thématique passionnante.